rhum pomme pomme. (indra)

rhum pomme pomme.
/w @indra debnath

et la décadence avait un goût amer. le poison qui venait couleur à la commissure des lèvres me laissait planer comme une âme errante dans un entre deux mondes.
j'avais perdu foi en tout. l'amour, le respect... et j'en étais jusqu'à douter de ma propre sexualité, affirmée pourtant depuis tant d'années.
il a suffit d'une fois, croire que la drogue ferait tout oublier, mais je me souviens de tout, jusque dans les moindres détails. et même si ça fait naître un étrange sourire, ça fait putain de peur.
alors on évite de penser à ça, on ignore, on fait semblant de ne se rappeler de rien.
on ignore les disputes, les envies de pardonner à tout va. on ignore l'attirance, le besoin d'y revenir à nouveau... la culpabilité qui vient créer des trous noirs dans le cœur, les tromperies qui n'en sont pas... et pourtant l'impression de mentir à tout le monde, à tout va.
n'être finalement qu'une victime parmi les bourreaux.
et si finalement, le bourreau... c'était moi ?

devant le devanture du bar à cocktail, je reste un moment à soupirer, profitant des derniers instants de la cigarette qui pend aux bouts des lèvres. les sourcils légèrement froncés, alors que les taffes se veulent plus longues et plus mauvaises.
le cancer est mon poison, et si un jour je le chope, ce sera bien fait pour moi. comme on dit, on doit bien mourir un jour... choisir sa mort est un luxe.
mégot qui vient rouler sur le majeur, pichenette qui l'envoie valdinguer plus loin sur le trottoir. soufflant la dernière fumée avant de rentrer... ce soir on oubliera tout.
jusqu'à la douleur encore... rechercher ce graal où rien n'atteint le cœur. si seulement c'était possible.
se poser au bar, lever la main, double scotch, écouter la musique et sourire. retirer le manteau de cuir, qui glisse sur le dossier, apparaissant en débardeur noir, muscles bandés par les quelques pompes faites l'après midi. et boire, boire, boire...
jusqu'à ce qu'un jeune homme se démarque, jeune ou vieux. en fait, je sais même pas quel age il a. je sais même pas qui c'est... mais lui, ce sera mon pote pour ce soir.
enfin je crois. « t'es qui toi ? » que je demande brusquement, sans animosité, juste curiosité. « t'es pas là d'habitude. » derrière le bar, je pousse mon verre vers lui. « lino, et je peux te dire que ce soir ! » je lève le doigt vers le ciel. « je vais oublier toute cette putain de chienne de vie. ressers moi un double, steplaît. » un sourire qui soulève légèrement la commissure des lèvres, charmeur le lino. toujours. « tu bois avec moi ? j'offre. » le fort accent, accentué par l'alcool donne des allures de mafieux de basse catégorie.

pourrait pas dire qu'il connaît le mec du fond de la salle ou la gonzesse qui bouge son cul sur sa chaise. pourrait pas dire indra qu'il est capable de balancer les blases pour une dédicace merdique ou faire bonne impression pour que ça consomme plus vite et plus fort. n'empêche que quand y'a la gueule de l'autre qui déboule sur le bar en beuglant plus fort qu'il ne rigole, ça fait tilt. pas vraiment une évidence dans toute la transcendance mais y'a de quoi faire ellipse marquante dans sa descente, à s'enfiler les verres en deux-deux, jamais vraiment trop tarder pour rejoindre les miteux, taper une belle gerbe lorsqu'il est pas capable de tenir le verre de trop. l'est à servir les verres cette fois, indra, à pas être de nécessité pour le morceau qui passe ni le prochain ni même celui d'après. de pause légère. de pause inconstante. genre de stagiaire qu'est envoyé tantôt au café tantôt à la photocopieuse. y'a un sourire qui s'imprime sur sa gueule déconfite, l'est un peu plus de minuit, l'a le torchon sur l'épaule et les sourcils qui se froncent. y'a l'accent qu'est à couper au couteau de boucher, à décortiquer, dégager les nerfs avant de s'occuper des muscles pour les foutre à sécher sur un bon crochet.

- j'ai pas l'droit d'picoler en service,
- mais merci,
- c'cool de ta part.

l'a au moins le faux bonheur qu'a le mérite d'être communicatif, y'aurait de quoi lui tirer un éclat de rire pour peu qu'il y trouve quelconque intérêt de se bidonner la gueule sans raison. garde du rictus sur le coin de la face, l'a pas l'envie de la jouer smiley inversé.

- indra,
- et j'bosse ici d'puis six ans,
- on va dire qu't'as rien vu,
- ou qu'tu r'gardes pas là où y faut.

nettoie les verres avant de s'occuper du sien, taper les cocktails là où c'est pas toujours dans ses capacités, l'est assez bon pour que ça se termine pas dans une liqueur balancée en pleine gueule. jette un coup d'oeil vers la scène, regard complice de celle qui pousse la chansonnette et le double scotch qui termine devant le lino. sait pas d'où y vient ce blase, ni pourquoi ça sonne gamin qui veut se prendre pour un grand avec la veste en cuir du daron sur le dos.

rhum pomme pomme.
/w @indra debnath

la grimace qui vient déformer les traits du visage, le soupir qui résonne légèrement, comme un enfant qui tirerait la langue. la main qui brasse dangereusement l'air près des verres vides. trop sage le garçon, trop droit.
combien auraient pris l'offre sans poser d'autres questions ? trop nombreux. est-ce que ça me gêne qu'il ne la prenne pas ? pas vraiment, c'est intriguant surtout. parce que quelque part les gens cherchent toujours à fuir leur réalité, alors c'est quoi son truc à lui ? et à suivre le regard qu'il lance à la chanteuse, je comprends vite que sa drogue ça doit être la musica. mouais, chacun son délire.
je préférais de loin me défoncer pour échapper à ce monde, que chanter les maux qui me faisaient saigner le cœur.
chacun son truc ouais, on juge pas. et je me permettrais pas. et il me tire un rire un peu trop fort, parfois je me dis que je ne suis juste pas sortable. mais en ce moment, j'avais besoin, plus que jamais, d'échapper à cette vie infâme.
entre l'abandon, le besoin et ... l'attirance.
« six ans, dude ? » que je demande en tapant sur le comptoir comme si c'était une aberration. « tu me mens, je t'aurais forcément déjà vu. » et c'est une vérité. ou bien nous nous étions jamais croisé, ou il dit vrai, trop absorbé par l'alcool j'en ai surement oublié de regarder les alentours. laissant la musique bercés les maux où l'alcool les noyait. « un cul pareil, ça se remarque du premier coup. » que je dis en affirmant cela comme une vérité absolue.
et peu importe si le mec face à moi est gay, hétéro ou même homophobe. la vérité a tendance à s'échapper rapidement quand on est bourré. et même si c'est une vérité biaisé par les effluves, elle reste le reflet des pensées qui viennent traverser une caboche bien trop abîmé. « mon mec.... enfin c'est pas mon mec, mais le gars que je baise lui aussi il a un joli cul. » et je me mets à rire en prenant le second verre. « merci. » cul sec, grimace et pousse le verre à nouveau. « t'as pas un truc fruité ? » peu importe ce que c'était, du moment que ça éveillait davantage les sens. « t'as quelqu'un toi ? » curiosité mal placée, mais je ne contrôle rien finalement. « y a cette fille que j'aime bien aussi... mais je suis gay moi, tu sais ? alors comment je peux apprécier une fille, tu m'expliques ? » je souffle en m'allongeant presque à moitié sur le bar en regardant les voisins qui s'en amusent. « est-ce qu'on peut donner un genre à ces sentiments ? » lève un sourcil, et le regard qui tombe sur indra, donc. regain d'énergie, saute sur le tabouret de bar et gigote. « on s'en branle, aucun d'eux ne me veut ! sers moi un triple ! » même si ça n'existe pas avec les cocktails fruités. la nuit ne fait que commencer ! « et bois, bon sang ! demande à te faire remplacer, et viens t'assoir près de moi. » je gigote la tête à m'en rendre malade, en affirmant mes dires. « je donne le pourboire des heures que tu auras perdu à cause de moi. »
comme quoi j'étais prêt à tout, et n'importe quoi surtout. juste pour avoir un compagnon de mauvaise fortune ce soir. « je suis détestable, tu crois ? » main tendue vers le barman, non pas pour choper le verre mais la main. « on me déteste parce que je suis trop con ? » qu'est-ce qu'il sait, indra ? hausse les épaules et tapote à nouveau le siège près de moi. énième invitation à se retourner la tête... et pourquoi pas refaire le monde où personne ne déteste personne.